Insolite Sur TikTok, les médecins détournent les fake news pour mieux informer

Laura El Feky
Publié le 12-05-2025

En bref

  • Des conseils de santé inefficaces, mais parfois dangereux, circulent sur les réseaux.
  • Le syndicat de jeunes médecins ReAGJIR combat les fake news sur les réseaux sociaux.
  • Son président, Raphaël Dachicourt, explique qu’en matière de santé, le like ne remplace pas l’expertise.
Les fakenews dans le domaine de la santé sont légion
Ingérer de la térébenthine, s’enfoncer de l’ail dans le nez ou s’appliquer de l’eau oxygénée sur les dents : des fake news courantes sur TIkTok. Crédit : Hartono Creative Studio - Pixabay
Parfois, ce sont les médecins eux-mêmes qui publient des fake news pour encore mieux les dénoncer en nous invitant à comprendre les rouages de la désinformation.. Crédit : ReAGJIR

Pourquoi avez-vous créé Healthbuster5, un compte TikTok de détournement de vidéos d'influenceurs ?

Dr Raphaël Dachicourt, président du syndicat de jeunes médecins généralistes ReAGJIR : « En matière de santé, les réseaux parallèles dinformation ont toujours existé. Mais là où les adultes plus âgés ont un contact régulier avec les soignants, notamment via le suivi des pathologies chroniques, les jeunes sont plus difficiles à atteindre. En consultation, ils osent moins aborder certains sujets, et privilégient dautres canaux dinformation. Les réseaux sociaux, en particulier, occupent une place centrale : cest là quils sinforment massivement, mais ils ont du mal à avoir un regard critique parce quon leur assène des vérités. Des éléments ayant lapparence de vérités. Lidée de notre démarche était de sortir de nos cabinets pour aller sur leur terrain de jeu, les réseaux sociaux, pour porter ce message : en matière de santé, il faut apprendre à se méfier de ce quon trouve sur Internet. »

Dr Raphaël Dachicourt : « Il y a beaucoup de croyances autour du naturel, de la purification ou de l’élimination des toxines. Certains prônent lingestion de produits censés nettoyer lorganisme. Le pire exemple reste celui de la térébenthine, un produit dentretien toxique, absolument pas comestible. Nous avons dabord exploré nous-mêmes TikTok et aussi Instagram pour identifier les trends (tendances sur les réseaux sociaux, NDLR). Notre critère principal est la dangerosité, car il y aurait trop à dire sur les simples inefficacités. Lobjectif est de cibler des conseils non seulement inutiles, mais surtout dangereux, avec des impacts graves sur la santé. Nous avons retenu des sujets récurrents, même si les vidéos n’étaient pas toujours les plus vues. Ce qui compte, cest lorsque les discours sont les plus affirmatifs avec une dangerosité avérée. Et puis, comme on utilise la technologie du deep-fake, le format impose des contraintes techniques : il faut des vidéos adaptées. »

Dr Raphaël Dachicourt : « La campagne a été lancée début mars, pour le moment, on a eu aucun retour des influenceurs concernés. En revanche, le projet commence à prendre grâce à sa diffusion dans la sphère médicale. Nous voyons des professionnels de santé utiliser nos vidéos pour sensibiliser les jeunes. Par exemple, une infirmière scolaire nous a dit utiliser nos vidéos pour sensibiliser ses élèves. La réappropriation par des professionnels et des parents est un relais intéressant. Nous pensions toucher directement les jeunes, mais cest difficile à évaluer. Le nombre de vues ne reflète pas nécessairement limpact réel. Et puis nous sommes un syndicat de jeunes médecins généralistes, pas des influenceurs. Notre objectif nest pas dobtenir des vues ou des likes, mais que le message passe : les professionnels de santé sinquiètent et veulent apprendre au public à se méfier des informations non vérifiées. Dans cette démarche participative, les gens peuvent également nous signaler des contenus suspects en nous taguant. Nous nous engageons à regarder les contenus et, si un danger est avéré, à nous pencher un peu plus dessus et à créer si nécessaire une vidéo débunk. »

Dr Raphaël Dachicourt : « Nous sommes un syndicat de jeunes médecins, âgés entre 28 et 35 ans. Ayant grandi avec les réseaux sociaux, on comprend à quoi les jeunes peuvent être exposés. Personnellement, jai un compte TikTok et il mest déjà arrivé de tomber sur ce type de contenus. Cela nous a donné la légitimité dagir. Lutilisation du deepfake sest imposée comme une accroche efficace : berner brièvement lutilisateur avant de révéler le pot aux roses pour montrer combien il est facile de se faire tromper sur ces plateformes. Nous voulons créer un lien de confiance avec les jeunes, de leur dire que notre porte est toujours ouverte – pas seulement celle des médecins, mais aussi de tous les professionnels de santé. »

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